Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/08/2009

Pour en finir avec la primauté romaine

Le pape est-il successeur de St Pierre?
Le pape est-il infaillible?

Ces deux questions ont-elles un rapport avec l'antimaçonnisme dont la dénonciation est le but de ce blog? La réponse est oui car c'est en vertu de cette infaillibilité supposée - qui fait en matière de foi le pape égal à Dieu - que l'église romaine dite catholique a lancé ses condamnation entraînant derrière elle tout ce que les religions comptent d'ultras. 

On lira donc ici le compte rendu de la vigoureuse protestation que fit un évêque courageux, par ailleurs grand serviteur de son pays, contre la prétention papiste*** au mépris des plus anciennes traditions de l'Eglise, Une, Sainte, Universelle (catholique) et Apostolique qui fut la seule instituée par le fondateur du Christianisme. Protestation d'opposition qui fut faite lors du Concile Vatican I de 1870. Ce prêtre ne fut malheureusement pas suivi et fut contraint, sous la pression de ses pairs, de se renier.

*** Prétention qui est de très loin bien antérieure à la promulgation du dogme en 1870. Elle est, ce que les catholiques romains ignorent généralement, avec l'introduction du "filioque" dans le Crédo Chrétien, une des causes de la séparation de l'Eglise Universelle en églises particulières (romains contre orthodoxes, orientaux... Elle donnera, avec d'autres motifs, naissance au protestantisme). 

Il ressort de ce texte que Pierre ne fut jamais pape et ne prétendit pas à ce rôle. Qu'il ne fut pas à Rome et que les citations que font les cathos-clikeurs de l'Evangile pour justifier la primauté de Pierre sont abusives. A titre d'exemple le mot "Cephas", par lequel Jésus aurait renommé Simon, qu'on dit dérivé de l'Araméen "Kepha" dans le Grec et qu'on traduit par "Pierre" (prénom) n'existe pas dans la langue grecque.

Nos lecteurs jugeront.

DISCOURS DE L’ÉVÊQUE STROSSMAYER
AU CONCILE DU VATICAN I
en 1870
(1)
D ‘après une version italienne parue à Florence(2)


Vénérables pères et frères,

Ce n’est pas sans un tremblement, et cependant avec une conscience libre et tranquille devant Dieu qui vit et qui me voit, que j’ouvre la bouche au milieu de vous dans cette auguste assemblée!

Depuis que je siège ici avec vous, j ‘ai suivi avec attention les discours prononcés dans cette salle, espérant avec un grand désir qu’un rayon d’En-Haut pût illuminer les yeux de mon entendement et me permettre de voter les canons de ce Saint Concile Œcuménique en parfaite connaissance de cause.

L’étude de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Pénétré du sentiment de ma responsabilité, dont Dieu me demandera un jour compte, je me suis mis à étudier avec la plus sérieuse attention les écrits de l’Ancien et du Nouveau Testament, et j ‘ai demandé à ces vénérables documents de la Vérité de me faire connaître si le Saint Pontife, qui préside ici, est véritablement le Successeur de Saint Pierre et vicaire de Jésus Christ et le Docteur infaillible de l’Église.

Pour résoudre cette grave question, j ‘ai été obligé d’ignorer l’état présent des choses et de me transporter en esprit, avec la torche évangélique en main, aux jours où il n’y avait ni ultramontanisme(3), ni gallicanisme(4) et dans lesquels l’Eglise avait pour Docteurs: Saint Paul, Saint Pierre, Saint Jean, Saint Jacques, Docteurs auxquels personne ne conteste l’autorité divine, sans mettre en doute ce que la Sainte Bible, qui est devant moi, nous enseigne, et ce que le concile de Trente a proclamé comme règle de foi. J’ai donc ouvert ces pages sacrées. Eh bien, oserai-je vous le dire? Je n’ai trouvé, ni de près, ni de loin, ce qui confirme l’opinion des ultramontains.

Et plus encore, à ma grande surprise, je trouve que dans les jours apostoliques, il n’est pas plus question d’un pape successeur de Saint Pierre et vicaire de Jésus Christ que de Mahomet qui n’existait pas encore. Vous, Monseigneur Manning (5) , direz-vous que je blasphème? Vous? Monseigneur Pie (6) , que je suis fou? Non, je ne blasphème pas et je ne suis pas fou. Seulement, ayant lu le Nouveau Testament en entier... je déclare devant Dieu, avec ma main levée vers ce grand crucifix, que je n’ai trouvé aucune trace de la papauté telle qu’elle existe en ce moment. Ne me refusez pas votre attention, mes vénérables frères, et ne justifiez pas par vos murmures et vos interruptions ceux qui disent, comme le Père Hyacinthe(7), que nos votes ont été depuis le début dictés par l’autorité! Si tel était le cas, cette auguste assemblée, vers laquelle sont tournés les yeux du monde entier, tomberait dans le plus honteux discrédit.

Si nous la voulons grande, nous devons être libres! Je remercie Son Excellence Dupanloup(8) pour son signe d’approbation, cela me donne du courage, et je continue...

Jésus Christ n’a donné aucune autorité à Pierre sur les autres apôtres.

En lisant ainsi les livres sacrés, avec cette attention dont le Seigneur m’a rendu capable, je me trouve pas un seul chapitre, ni un seul verset, dans lesquels Jésus Christ donne à Saint Pierre l’autorité sur les apôtres, ses compagnons d’œuvre.

Si Simon, fils de Jonas, avait été ce que nous croyons qu’est Sa Sainteté Pie IX aujourd’hui, c’est extraordinaire que Jésus ne leur ait pas dit: «Quand je serai monté vers mon Père, vous obéirez tous à Saint Pierre, comme vous m’obéissez. Je l’établis comme vicaire de ma Personne sur la terre».

Non seulement le Seigneur est silencieux sur ce point, mais Il pense si peu à donner un chef à l’Eglise, que lorsqu’Il promet à Ses apôtres qu’ils jugeront les douze tribus d’Israël (Matthieu 19:28), Il fait la promesse aux douze, un pour chaque tribu, sans leur dire: parmi ces trônes, l’un sera plus élevé que les autres: celui qui appartiendra à Saint Pierre! Certainement s’Il avait désiré qu’il en soit ainsi, Il l’aurait dit. Que concluons-nous de cette déclaration?

La logique nous dit: Christ ne désirait pas faire de Saint Pierre le Chef du Collège apostolique.

Quand Christ envoya Ses apôtres à la conquête du monde, Il donna à tous la promesse du Saint Esprit. Permettez-moi de le répéter: s’Il avait désiré constituer Pierre comme vicaire, Il lui aurait donné le plus haut commandement sur Son armée spirituelle. Christ, ainsi dit la Sainte Ecriture, défendit à Pierre et à ses collègues de régner ou d’exercer une souveraineté, d’avoir de l’autorité sur les fidèles comme le font les rois des gentils (Saint Luc 22:25).

Si Saint Pierre avait été élu Pape, Jésus n’aurait pas parlé ainsi, parce que, d’après nos traditions la papauté tient dans ses mains deux épées, symboles du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel.

Une chose m’a beaucoup surpris; en la retournant dans mon esprit, je me dis en moi-même: si Saint Pierre avait été élu pape, est-ce que ses collègues auraient osé l’envoyer à Samarie avec Saint Jean pour annoncer l’Evangile du Fils de Dieu?

Que penseriez-vous, mes vénérables frères, si en ce moment, nous nous permettions d’envoyer Sa Sainteté Pie IX et son Excellence Monseigneur Plantier pour aller vers le patriarche à Constantinople, plaider avec lui, afin de mettre fin au schisme oriental?

Mais il y a encore un fait important: un Concile Œcuménique est réuni à Jérusalem pour décider de questions qui divisent les fidèles. Qui aurait réuni ce Concile, si Saint Pierre avait été pape? Saint Pierre. Qui l’aurait présidé? Saint Pierre ou ses légats. Qui en aurait formé ou promulgué les canons? Saint Pierre. Eh bien, rien de ceci ne s’est passé. L’apôtre assiste au Concile comme tous les apôtres; cependant ce n’est pas lui qui fait le résumé, mais Saint Jacques. Et quand les décrets furent promulgués, ils le furent au nom des apôtres, des anciens et des frères (Aptes 15:28). Plus j‘examine toutes ces choses, ô vénérables frères, plus je suis convaincu que dans les Ecritures le fils de Jonas n’apparaît pas comme le premier.

Saint Paul et les apôtres ne parlent pas de papauté.

De plus, alors que nous enseignons que l’Église est bâtie sur Saint Pierre, Saint Paul (dont l’autorité ne peut être mise en doute) dit, dans son Epître aux Ephésiens (2:20), qu’elle est bâtie sur le fondement des apôtres et prophètes, Jésus Christ étant la principale pierre de l’angle.

Et le même apôtre croit si peu à la supériorité de Saint Pierre, qu’il blâme ceux qui disent: Nous sommes de Paul, nous sommes d’Apollos, comme ceux qui disent: Nous sommes de Pierre (1 Corinthiens 1:12).

Ainsi, si ce dernier apôtre avait été le vicaire de Jésus Christ, Saint Paul aurait pris grand soin de ne pas censurer si violemment ceux qui se réclament de ses collègues.

Le même apôtre, résumant les ministères dans l’Église mentionne: les apôtres, les prophètes, les évangélistes, les docteurs et les pasteurs (1 Corinthiens 12:18).

Pourriez-vous croire, mes vénérables frères, que Saint Paul, le grand apôtre des nations, aurait oublié le premier ce ces ministères, si la papauté avait été une institution divine? Cet oubli me paraît aussi impossible que si un historien de ce Concile devait ne pas mentionner le nom de Sa Sainteté PieIX

(Différentes voix: «Silence hérétique! Silence!»)

Calmez-vous, mes frères, je n’ai pas encore fini; si vous me défendiez de poursuivre, vous agiriez mal à la vue du monde entier, en fermant la bouche au membre le plus humble de cette assemblée.

Je continue. L’apôtre Paul ne fait pas mention de la suprématie de Saint Pierre dans ses lettres aux différentes églises. Si cette primauté avait existé, si en un mot l’Eglise avait dans son corps un chef suprême, infaillible, dans son enseignement, est-ce que le grand apôtre aurait oublié de le mentionner? Que dis-je, il aurait écrit une longue lettre sur ce sujet de première importance. Alors pourquoi le fondement, la clef de voûte a-t-elle été oubliée, quand l’édifice de la doctrine chrétienne était en train de s’ériger?

A moins que vous acceptiez que l’Église des apôtres était hérétique, ce qu’aucun de vous ne voudrait faire ou n’oserait dire. Nous sommes obligés de confesser que l’Eglise n’a jamais été plus belle, plus pure et plus sainte que dans les jours où ii n’y avait pas de pape.

(Cris: «Ce n’est pas vrai! Ce n’est pas vrai!»)

Ne dites pas non, Monseigneur de Lavai, car si l’un de vous, mes vénérables frères, osait dire que l’Eglise qui a aujourd’hui un pape à sa tête a plus de foi, est plus pure dans sa morale que l’Eglise apostolique, qu’il le dise ouvertement, puisque de cette enceinte nos paroles volent d’un pôle à l’autre.

Je continue. Ni dans les écrits de Saint Paul, ni dans ceux de Saint Jacques ou de Saint Jean je n’ai trouvé la moindre trace ou le moindre germe d’autorité papale. Saint Luc, l’historien missionnaire des travaux des apôtres, est silencieux sur ce point si important. Le silence de ces saints hommes dont les écrits font partie du canon des Ecritures divinement inspirées, m’est toujours apparu comme un obstacle insurmontable, comme une impossibilité aussi injustifiable, si Saint Pierre avait été pape, que si Thiers, écrivant l’histoire de Napoléon Bonaparte avait omis le titre d’Empereur.

Je vois ici devant moi un membre de l’assemblée qui dit, en me montrant du doigt: «C’est un évêque schismatique qui a pénétré parmi nous sous de fausses couleurs». — Non, mes vénérables frères, je ne suis pas entré dans cette auguste assemblée comme un voleur, par la fenêtre, mais par la porte; mon titre d’évêque m’en a donné le droit, comme ma conscience de chrétien me force de dire ce que je crois être vrai.

Le silence de Saint Pierre

Ce qui m’a le plus surpris et ce qui a le plus grand poids dans cette démonstration, c’est le silence de Saint Pierre.

Si l’apôtre avait été ce que nous proclamons qu’il fut, c’est-à-dire le vicaire de Jésus Christ sur la terre, il l’aurait sûrement su, et s’il l’avait su, comment peut-il se faire qu’il n’ait jamais agi une seule fois comme un pape? Il aurait pu le faire le jour de la Pentecôte, quand il prononça son premier sermon, et il ne le fit pas, ni dans les deux lettres adressées à l’Eglise. Pouvez-vous imaginer un tel pape, mes frères, si Saint Pierre avait été pape?

Alors si vous voulez maintenir qu’il était le pape, vous devez maintenir aussi comme conséquence naturelle qu’il était ignorant du fait qu’il l’était. Maintenant je demande à quiconque a une tête pour penser et un esprit pour réfléchir: ces deux suppositions sont-elles possibles?

En retournant, comme je l’ai dit, au temps où l’apôtre vivait, l’Église ne pense jamais qu’il pouvait y avoir un pape; pour maintenir le contraire, il faudrait que les Ecrits sacrés aient été rejetés ou soient entièrement ignorés.

Saint Pierre à Rome.

Mais on dit de tous côtés: Est-ce que Saint Pierre n’est pas allé à Rome? Ne fut-il pas crucifié la tête en bas? N’y a-t-il pas dans cette ville éternelle la chaire où il a enseigné? les autels devant lesquels il a dit la messe?

Le fait que Saint Pierre a été à Rome, mes vénérables frères, ne repose que sur la tradition. Mais même s’il avait été évêque de Rome comment pouvez-vous par cet épiscopat prouver sa suprématie? Scaliger(9) , un des hommes les plus érudits, n’a pas hésité à dire que l’épiscopat de Saint Pierre et sa résidence à Rome devaient être classés parmi les légendes ridicules.
(Cris répétés: «Fermez-lui la bouche, fermez-lui la bouche, faites-le descendre de la tribune!»)

Mes vénérables frères, je suis prêt à me taire, mais n’est-ce pas mieux dans une assemblée comme la nôtre, d’éprouver toutes choses et de retenir ce qui est bon! Mes vénérables frères et amis, nous avons un dictateur devant lequel nous devons nous incliner et être silencieux, fût-ce même Sa Sainteté Pie IX: c’est l’histoire. Elle n’est pas semblable à une légende qu’on peut fabriquer, comme le potier pétrit l’argile, mais elle est comme un diamant, qui laisse sur la vitre une trace qui ne peut être effacée.

Jusqu’à présent, je me suis appuyé sur elle, et si je n’ai pas trouvé trace de la papauté aux jours apostoliques, c’est sa faute et non la mienne.

Voulez-vous me placer dans la position de quelqu’un accusé de fausseté? Vous êtes en droit de le faire, si vous le pouvez.

J’entends à ma droite ces paroles: «Tu es Pierre et sur ce roc je bâtirai mon Église» (Matthieu 16:15). Je répondrai à cette objection, mes vénérables frères, mais avant de le faire, je désire présenter le résultat de mes recherches historiques.

Dans les quatre premiers siècles

Ne trouvant pas trace de la papauté aux jours des apôtres, je me dis que je trouverais ce que je cherche dans les annales de l’Eglise. Eh bien je le dis franchement: j’ai cherché un pape dans les quatre premiers siècles et je ne l’ai pas trouvé.

Aucun de vous, je l’espère, ne mettra en doute la grande autorité du saint Évêque d’Hippone: le grand Saint Augustin.(10)


Ce pieux docteur, l’honneur et la gloire de l’Église catholique, était secrétaire au Concile de Milève(11). Dans le début de cette assemblée on trouve des mots significatifs: «Quiconque veut en appeler à ceux qui habitent au-delà de la mer ne sera reçu en communion dans aucune Eglise en Afrique.» Les évêques d’Afrique reconnaissaient si peu l’évêque de Rome, qu’ils frappaient d’excommunication ceux qui voulaient avoir recours à lui.(12)

Ces mêmes évêques au XXe Concile de Carthage, tenu sous Aurelius, évêque de cette cité, écrivaient à Célestin, évêque de Rome(13), pour l’avertir de ne pas recevoir d’appels des évêques, prêtres ou clercs d’Afrique; de ne pas envoyer de légats ou de commissionnaires, et de ne pas introduire la vanité humaine dans l’Eglise.

Le fait que le patriarche de Rome avait essayé, dès les temps anciens d’attirer à lui toute l’autorité, est un fait évident, mais un fait non moins évident, c’est qu’il n’avait pas la suprématie que les Ultramontains lui attribuaient. S’ils l’avaient possédée, est-ce que les évêques d’Afrique, Saint Augustin parmi eux le premier, auraient osé prohiber les appels de leurs décrets à son tribunal suprême?

Je confesse sans difficulté que le patriarche de la Rome ancienne tenait la première place. Une des lois de Justinien disait: «Nous ordonnons, d’après la définition des quatre Conciles, que le saint pape de Rome soit le premier des évêques et le très saint archevêque de Constantinople, qui est la nouvelle Rome soit le second».

Inclinez-vous alors devant la suprématie du pape, me direz-vous. Ne courez pas si vite à cette conclusion, mes vénérables frères, attendez ce que la loi de Justinien a écrit sur ce fait: «Dans l’ordre des sièges des patriarches, la prééminence donnée au primat est une chose, le pouvoir et la juridiction en est une autre».

Par exemple, supposons qu’à Florence il y ait une assemblée de tous les évêques du Royaume, la prééminence serait donnée au primat de Florence, comme parmi les Orientaux, elle serait accordée au patriarche de Constantinople, de même qu’en Angleterre, à l’archevêque de Canterbury. Mais ni le premier, ni le deuxième, ni le troisième n’aurait déduit de la position qui lui est assignée, un droit de juridiction sur ses collègues.

L’importance des évêques de Rome ne procédait pas d’un pouvoir divin mais de l’importance de la ville dans laquelle ils avaient leurs sièges. Monseigneur Darboy(14) n’est pas supérieur en dignité à l’archevêque d’Avignon; mais en dépit de cela, Paris lui donne une considération qu’il n’aurait pas s’il avait son palais au bord du Rhône au lieu de l’avoir au bord de la Seine. Ce qui est vrai dans l’ordre religieux, l’est aussi dans les sujets civils et politiques; le préfet de Rome ne l’est pas davantage que celui qui est à Pise; mais civilement et politiquement il a une plus grande importance;

J’ai dit que dès les premiers siècles, le patriarche de Rome aspirait au gouvernement universel de l ‘Eglise.

Malheureusement il ne fut pas loin d’y arriver, mais il ne réussit pas dans ses prétentions, car l’empereur ThéodoseII fit une loi par laquelle il établit que le patriarche de Constantinople devait avoir la même autorité que celui de Rome (Leg. cod. de sacra., etc.).

Les Pères du Concile de Calcédoine placèrent les évêques de la nouvelle et ancienne Rome sur un pied d’égalité, pour toutes choses, même au point de vue ecclésiastique (Canon 28).

Le VIe Concile de Carthage défendit à tous les évêques de prendre le titre «Évêque UNIVERSEL» ou de «Prince des évêques» ou de «Prince souverain».

Quant au titre d’Évêque UNIVERSEL que les papes prirent ensuite, Saint Grégoire, croyant que ses successeurs ne penseraient jamais à se l’attribuer, écrivit des paroles remarquables: «Aucun de mes prédécesseurs n’ a consenti à prendre ce nom profane, car lorsqu’un patriarche se donne à lui-même le nom d’universel, il en reçoit du discrédit, que les chrétiens s’abstiennent du désir de se donner un titre, eux-mêmes, qui apporte du discrédit sur les frères».

Les paroles de Saint Grégoire sont destinées à ses collègues de Constantinople qui prétendaient être les primats de l’Église.

Le pape Pélage II appelle Jean, évêque de Constantinople, impie et profane parce qu’il aspirait à la plus haute prêtrise. Ne vous souciez pas, disait-il, du titre d’universel que Jean a usurpé illégalement. Qu’aucun des patriarches ne prenne ce nom profane car quel malheur ne devrons-nous pas attendre, si de tels sentiments s’élèvent parmi les prêtres? Ils obtiendraient ce qui leur a été prédit: «Il est le roi des fils de l’orgueil» (Pélagius II, Lettre 13).

Ces autorités (et je pourrais en ajouter une centaine de même valeur), ne prouvent-elles pas avec une clarté égale à la splendeur du soleil à midi, que les premiers évêques de Rome ne furent reconnus que beaucoup plus tard comme évêques universels et chefs de l’Eglise?

D’un autre côté, qui ne sait que depuis l’année 325 dans laquelle fut tenu le premier Concile de Nicée, jusqu’en 580, l’année du deuxième Concile œcuménique de Constantinople, parmi plus de 1109 évêques qui assistèrent aux six premiers Conciles généraux, il n’y eut pas plus de 19 évêques occidentaux? Qui ne sait pas que les Conciles étaient convoqués par les empereurs, sans en informer l’évêque de Rome et souvent contre son désir? Que Hosius, évêque de Cordoue, présida le premier Concile de Nicée et en édita les canons. Le même Hosius présida ensuite le Concile de Serdica(15) en excluant les légats de Jules Ter, évêque de Rome.

Tu es Pierre

Je n’en dis pas plus mes vénérables frères et j’en viens maintenant au grand argument qui a été mentionné auparavant: établir la supériorité de l’évêque de Rome par le roc (pétra (16). Si cela était vrai, la dispute prendrait fin, mais les Pères de l’Eglise ne pensaient pas à ce sujet comme nous le faisons,
— et ils en savaient certainement quelque chose. Saint Cyril dans son quatrième livre sur la Trinité dit: «Je crois que par le roc vous devez comprendre la foi inébranlable des apôtres.»

Saint Hilaire, évêque de Poitiers, dans son deuxième livre sur la Trinité, dit «le roc (pétra) est le seul roc béni de la foi (confessionnelle) confessé par la bouche de Saint Pierre». Et dans le sixième livre sur la Trinité, il dit: «C’est sur ce roc de la confession de foi que l’Eglise est bâtie».

«Dieu, dit Saint Jérôme dans le sixième livre sur Matthieu, a fondé son Église sur le roc et c’est de ce roc que l’apôtre a été nommé».

Après lui, Saint Jean Chrysostôme, dans sa cinquante-troisième homélie sur Saint Matthieu: «Sur ce roc je bâtirai mon Eglise, c’est-à-dire sur la foi de la confession». Alors qu’était la confession de l’apôtre? La voici: «TU ES LE CHRIST, LE FILS DU DIEU VIVANT».

Saint Ambroise, le saint archevêque de Milan (sur le deuxième chapitre des Éphésiens), Saint Basile de Séleucie et les Pères du Concile de Calcédoine enseignent exactement la même chose.

Parmi tous les docteurs de l’antiquité chrétienne, Saint Augustin occupe une des premières places par ses connaissances et sa sainteté. Ecoutez alors ce qu’il écrit dans son deuxième traité sur la première Épître de Saint Jean: «Que signifient ces mot: Je bâtirai mon Église sur ce roc? Sur cette foi, sur celle qui dit: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant». Dans son cent vingt-quatrième traité sur Saint Jean, nous trouvons cette phrase significative: «Sur ce roc, que tu as confessé, je bâtirai Mon Eglise puisque Christ était le roc».

Le grand évêque croyait si peu que l’Église était bâtie sur Saint Pierre qu’il dit à ses auditeurs dans son treizième sermon: «Tu es Pierre, et sur ce roc (pétra) que tu as confessé, sur ce roc que tu as reconnu en disant: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, sur ce roc Je bâtirai mon Eglise, Je la bâtirai sur Moi-même qui suis le Fils du Dieu vivant, Je la construirai sur Moi et non sur toi».

Ce que pensait Saint Augustin sur ce passage célèbre était l’opinion de la chrétienté de son temps. Par conséquent, j ‘affirme en résumé que:
1 — Jésus a donné à Ses apôtres les mêmes pouvoirs qu’Il a donnés à Saint Pierre.

2— Les apôtres n’ont jamais reconnu en Saint Pierre le vicaire de Jésus Christ et le docteur infaillible de l’Église.

3 — Saint Pierre n’a jamais eu le sentiment d’être pape et il n’a jamais agi comme s’il l’était.

4— Les Conciles des quatre premiers siècles, malgré qu’ils reconnurent la haute position qu’occupait dans l’Église l’évêque de Rome à cause de l’importance de cette ville, ne lui confèrent seulement qu’une prééminence honorifique, mais jamais d’autorité et de juridiction.

5 — Les saints Pères n’interprétèrent jamais le fameux passage (Tu es Pierre et sur ce roc je bâtirai mon Église) comme signifiant que l’Église était édifiée sur Saint Pierre (super Petrum), mais sur le roc (super petram), c’est-à-dire sur la confession de foi de l’apôtre.

J’en conclus victorieusement, avec l’aide de l’histoire, de la logique, de la raison, du bon sens, et avec une conscience chrétienne, que Jésus n’a accordé aucune suprématie à Saint Pierre, et que les évêques de Rome ne sont devenus les souverains de l’Eglise qu’en confisquant un à un les droits de l’épiscopat.

(Voix: «Silence, protestant éhonté!»)
— Non, je ne suis pas un protestant éhonté. L’histoire n’est ni catholique, ni anglicane, ni calviniste, ni luthérienne, ni schismatique grecque, ni ultramontaine. Elle est ce qu’elle est, c’est-à-dire quelque chose de plus fort que toutes les confessions de foi, que tous les Canons des Conciles Œcuméniques.

Vous pouvez écrire contre elle, si vous l’osez, mais vous ne pouvez pas plus la détruire que vous ne pourriez faire tomber le Colisée en en retirant une brique.

Si j’ai dit quelque chose qui soit contraire à l’histoire, prouvez-le moi par l’histoire, etje n’hésiterai pas un instant à faire amende honorable; mais soyez patients, et vous verrez que je n’ai pas dit tout ce que j’aurais voulu ou pu dire, car je suis obligé de continuer etje ne garderai pas le silence, même si le bûcher m’attendait sur la place de Saint Pierre.

Mgr Dupanloup dans ses célèbres Observations sur le concile du Vatican a dit, et avec raison, que si nous proclamions l’infaillibilité de Pie IX, la logique nous obligerait à considérer comme infaillibles tous ses prédécesseurs.

Erreurs et contradictions des Papes.

Eh bien! vénérables frères, ici l’histoire fait entendre sa voix avec autorité pour nous convaincre qu’il y a des papes qui ont commis des fautes.

Vous pouvez, à votre gré, protester contre ce fait. On ne peut le nier, mais je prouverai:

— Le pape Victor (189-198) approuva d’abord le montanisme et ensuite le condamna.

— Marcellin (296-3 04) fut un idolâtre. Il entra dans le temple de Vesta et offrit de l’encens à cette déesse. Vous direz que ce fut un acte de faiblesse, mais je déclare qu’<<un vicaire de Jésus Christ PREFERE MOURIR QUE D’APOSTASIER».

— Libère (352-356) approuva la condamnation d’Athanase et fit une profession d’arianisme, afin d’être rappelé de son exil (358) et de recouvrer un siège.

— Honorius (625-63 8) adhère au monothélisme; le Père Gratry l’a prouvé jusqu’à l’évidence.

— Grégoire 1(590-604) déclare que: quiconque aurait pris le titre d’évêque universel était un anti-christ et, par contre

— Boniface III(607) s’est fait accorder ce titre par l’empereur parricide Phocas.

— Pascal II(1099-1118) et Eugène 111(1145-1153) autorisèrent le duel.

—Jules II(1503-15 13) et Pie IV(1559-15665) le défendirent.

— Eugène IV (1431-1447) approuva le Concile de Bâle et la restitution du calice à l’Église de Bohême.

— Pie II(1458-1464) révoque la concession.

— Adrien II (867-872) déclare valides les mariages civils.

—Pie VII(1800-1823) les condamna.

— Sixte V (1585-1590) fit publier une édition de la Bible en en recommandant la lecture par une bulle.

Pie VII condamna cette lecture.

— Clément XIV (1769-1774) abolit l’ordre des Jésuites qui avait été permis par Paul III et Pie VII le rétablit.

Mais pourquoi aller chercher des preuves si loin?

Est-ce que notre Saint Père ici présent n’a pas dans sa bulle par laquelle il a donné les directions pour ce Concile dans le cas où il viendrait à mourir, avant qu’il ait pris fin, révoqué tout ce qui du passé pourrait lui être contraire, y compris ce qui procède des décisions de ses prédécesseurs? Et il est certain que si Pie IX a parlé ex cathedra il ne le fait pas lorsque des profondeurs de son sépulcre il impose sa volonté aux souverains de l’Eglise.

Je n’en finirais plus, mes vénérables frères, si je devais placer devant vos yeux les contradictions des papes dans leurs enseignements.

Si donc vous proclamez l’infaillibilité du présent pape, vous devez soit prouver, ce qui est impossible, que les papes ne se sont jamais contredits les uns les autres, ou bien vous devez déclarer que le Saint Esprit vous a révélé, à vous personnellement, que l’infaillibilité du pape date seulement de 1870. Etes-vous assez téméraire pour le faire?

Il se peut que le peuple soit indifférent, et passe par dessus des questions théologiques qu’il ne comprend pas et dont il ne voit pas l’importance; mais s’il est indifférent quant aux principes, il ne l’est pas quant aux faits. Par conséquent, ne vous trompez pas; si vous décrétez le dogme de l’infaillibilité papale, les protestants qui sont nos adversaires, entreront d’autant plus courageusement par la brèche, qu’ils ont l’histoire de leur côté, pendant que nous, nous n’avons que la négation à leur opposer. Que pourrons-nous leur dire quand ils nous exposeront ce qu’ont été tous les évêques de Rome depuis les jours de Luc jusqu’à sa sainteté Pie IX? Ah! s’ils avaient été tous comme Pie IX, nous serions vainqueurs sur toute la ligne, mais hélas il n’en est rien.

(Cris: «Silence, silence, assez, assez»).

Ne criez pas Messeigneurs! Craindre l’histoire, c’est se reconnaître vaincus. D’ailleurs, même si vous pouviez faire passer sur elle toute l’eau du Tibre, vous ne pourriez pas en effacer une seule page. Laissez-moi parler, et je serai aussi bref que possible, sur ce sujet si important.

— Le pape Virgile (537-555) acheta le siège pontifical de Bélisaire, lieutenant de l’empereur Justinien. C’est vrai qu’il rompit la promesse et qu’il ne donna jamais la somme promise. Est-ce là une façon canonique de mettre la tiare? Le second Concile de Calcédoine l’a formellement condamné. Dans un de ses canons, on peut lire: «L’évêque qui obtient l’épiscopat au moyen d’argent le perdra et sera dégradé».

— Le pape Eugène III (17) (1145-53) imita Virgile. Saint Bernard qui a brillé comme une étoile dans le firmament de cette époque, a désapprouvé le pape et lui a dit: «Peux-u montrer quelqu’un dans cette ville de Rome qui te reconnaisse comme pape s’il n’ avait pas reçu pour cela de l’argent, de l’or?» Mes vénérables frères, un pape qui établit une banque à la porte du temple est-il inspiré par le Saint Esprit? A-t-il le moindre droit à enseigner l’Eglise infailliblement?

Vous connaissez très bien l’histoire de Formose (891-896) pour qu’il ne soit pas nécessaire que je m’ étende.

Étienne VI (896-897) fit déterrer le Corps du pape Formose vêtu de ses habits pontificaux pour lui faire son procès, et lui fit ensuite couper les doigts dont il s’était servi pour donner la bénédiction et il le fit ensuite jeter dans le Tibre, en déclarant qu’il avait été un pape parjure et illégitime. Etienne VI fut ensuite jeté en prison par le peuple qui l’empoisonna et l’étrangla.

Rappelez-vous comment cette histoire se termina.

— Romain, successeur d’Ètienne, et après lui Jean IX réhabilita la mémoire de Formose.

Mais vous me direz que ce sont là des fables et non de l’histoire! Des fables! Allez, Messeigneurs dans la bibliothèque du Vatican et lisez Platina(18), l’historien de la papauté et les annales de Baronius (19) (A.D. 897). Ce sont là des faits, que pour l’honneur du Saint Siège nous voudrions ignorer mais quand il s’agit de définir un dogme qui peut provoquer un grand schisme parmi nous, l’amour que nous portons à notre vénérable Mère, l’Eglise Catholique, apostolique et romaine, doit-il nous imposer le silence?

Les péchés des papes et leurs excès.

Je continue. L’érudit cardinal Baronius, en parlant de la cour papale dit (prêtez attention, mes vénérables frères à ces paroles):«Comment se présentait l’Eglise romaine dans ce temps-là? Sous des traits inrames! A Rome, ne gouvernaient que de toutes puissantes courtisanes. Ce sont ces dernières qui donnaient, échangeaient, et s’appropriaient des évêchés, et, horrible à dire, elles firent installer sur le trône de Saint Pierre leurs amants, les faux papes». (Baronius A.D. 912)

Vous répondrez que c’étaient là des faux papes et non des vrais. Admettons cela, mais dans ce cas, si pendant 50 ans le siège de Rome fut occupé par des antipapes, comment ferez-vous renouer le fil de la succession apostolique? L’Eglise a-t-elle pu aller de l’avant, au moins pendant un siècle et demi, sans chef, donc acéphale?

Maintenant, considérez que le plus grand nombre de ces antipapes sont placés dans l’arbre généalogique de la papauté; et c’est cette absurdité que Baronius a décrite car Genebrardo, le grand adulateur des papes, n’a pas craint de dire dans ses chroniques (A.D. 901): «Ce siècle est infortuné, car depuis près de 150 ans, les papes sont déchus de toutes les vertus de leurs prédécesseurs, et sont devenus apostats plutôt qu’apôtres». Je comprends sans peine comment l’illustre Baronius doit avoir rougi en racontant les actes de ces évêques romains.(20)

En parlant de Jean XI (931-936) fils naturel du pape Serge III et de Marozia(21), il écrivit ces paroles:
«La sainte Eglise, c’est-à-dire, l’Eglise romaine, a été lâchement piétinée par un tel monstre».

Jean XII (955-963) élu pape à l’âge de 18 ans, sous l’influence de courtisans, ne fut pas du tout meilleur que son prédécesseur(22).

Cela m’afflige, mes vénérables frères de remuer tant de pourriture. Je me tais sur Alexandre VI, père et amant de Lucrèce, je passe à côté de Jean XXII(23) qui nia l’immortalité de l’âme, de Jean XXIII(24) qui fut déposé par le Concile Œcuménique de Constance. Certains diront que ce Concile n’était qu’un concile à caractère privé; soit, mais si vous refusez toute autorité à ce Concile, logiquement vous devez tenir la nomination de Martin V (1417-143 1) comme illégale. Dans ce cas, qu’adviendra-t-il de la succession apostolique? Pouvez-vous en retrouver le fil?

Je ne parle pas des schismes qui ont déshonoré l’Église. Dans ces tristes jours, le siège de Rome était occupé par deux rivaux et parfois par trois. Lequel de ceux-ci était le vrai pape?


Je me résume de nouveau, et je dis encore une fois, que si vous décrétez l’infaillibilité de l’évêque de Rome, vous devez établir l’infaillibilité de tous ses prédécesseurs, sans en oublier et exempter un seul, mais pouvez-vous faire cela quand l’histoire est là pour affirmer, avec un éclat qui n’a d’égal que celui du soleil, que les papes se sont trompés dans leurs enseignements?

Pourriez-vous faire cela et maintenir que les papes avares, incestueux, menteurs, meurtriers, simoniaques, ont été des vicaires de Jésus Christ? Oh! mes vénérables frères, on ne peut maintenir une pareille énormité sans trahir Jésus Christ, pire que ne l’a fait Judas, sans Lui jeter de la boue à la face.

(Cris: «Descendez de la chaire! fermez la bouche à l’hérétique!»)

Retournons aux Saintes Écritures

Mes vénérables frères, vous criez, mais ne serait-ce pas plus digne de peser mes raisons et mes preuves à la balance du sanctuaire? Croyez-moi, l’histoire ne peut être refaite, elle est là, elle restera là et elle restera là toute l’éternité, pour protester avec force contre le dogme de l’infaillibilité. Vous pouvez le proclamer à l’unanimité, mais il vous manquera une voix, et c’est la mienne!

Les vrais fidèles, Messeigneurs, ont les yeux fixés sur nous, attendant de nous un remède aux maux innombrables qui déshonorent l’ Eglise. Allez-vous décevoir leurs espérances?

Quelle ne sera pas notre responsabilité devant Dieu, si nous laissons passer cette occasion solennelle que Dieu nous a donnée pour guérir la vraie foi? Saisissons-la mes frères, armons-nous d’un saint courage, faisons un violent et courageux effort, retournons à l’enseignement des apôtres, étant donné qu’en dehors de cet enseignement, nous n’avons qu’erreurs et fausses traditions.

Servons-nous de notre raison et de notre intelligence pour prendre les apôtres et les prophètes comme nos seuls maîtres infaillibles concernant la question des questions: «Que dois-je faire pour être sauvé?»

Quand nous aurons réglé cette question, nous aurons posé le fondement de notre système dogmatique sur le rocher ferme, inébranlable, durable et incorruptible des Ecritures divinement inspirées. Alors nous irons pleins de confiance devant le monde et, à l’exemple de l’apôtre Paul, en présence des libre-penseurs, nous ne voudrons savoir autre chose que «Jésus Christ et Jésus Christ crucifié». Nous irons à la conquête par la prédication de la «folie de la croix» comme Paul a conquis les savants de Grèce et de Rome, et l’Eglise romaine aura son glorieux 89.

(Clameurs et cris: «Descendez, chassez ce protestant, ce calviniste, ce traître de l’Église!»)

Vos cris, Messeigneurs, ne m’épouvantent pas. Si mes paroles sont brûlantes, ma tête est froide.

Je ne suis ni de Luther, ni de Calvin, ni de Paul, ni d’Appolos, mais de Christ.

(Cris renouvelés: «Anathème, anathème à l’apostat»).

Anathème? Messeigneurs, anathème? Vous savez bien que vous ne protestez pas contre moi, mais contre les saints apôtres, sous la protection desquels j ‘aimerais que ce Concile place l’Eglise. Ah! s’ils sortaient de leurs tombes, couverts de leurs linceuls, parleraient-ils un langage différent du mien? Que leur répondriez-vous, quand par leurs écrits ils vous diraient que la papauté s’est éloignée de l’Evangile du Fils de Dieu, qu’ils ont prêché et confirmé d’une façon si généreuse par leur sang? Auriez-vous le courage de leur dire: «Nous préférons l’enseignement de nos papes, de Bellarmin(25), d’Ignace de Loyola(26) au votre»? Non, non, mille fois non, a moins que vous ayez fermé vos oreilles pour ne plus entendre, vos yeux pour ne plus voir et que vous n’ayez atrophié votre intelligence pour ne plus comprendre.

Ah! si Celui qui règne en haut désire nous punir en faisant descendre Sa main lourdement sur nous, comme Il le fit pour le Pharaon, Il n’a pas besoin des soldats de Garibaldi pour nous chasser de la ville éternelle, Il n’a qu’à nous permettre de faire un dieu de Pie IX, comme nous avons fait une déesse de la Sainte Vierge.

Arrêtez-vous, arrêtez-vous! sur la pente odieuse et ridicule sur laquelle vous êtes placés. Sauvez l’Église du naufrage qui la menace, cherchant dans les seules Écritures la règle de foi que nous devrions croire et pratiquer.

J’ai parlé. Que Dieu me soit en aide!

Notes

1 Josip Juraj STROSSMAYER né à Osijek en 1815, ordonné prêtre en 1838, nommé professeur de Droit Canon à Vienne en 1847, devient évêque de Djakovo en 1850, décédé à Djakovo en 1905.

2. Le texte de ce discours, apparemment pris en sténographie, comportait quelques erreurs de références et quelques fautes d’orthographe dans les noms propres. Au cas où il en resterait qui nous auraient échappé, nous vous serions reconnaissant de nous les signaler.

3 Ultramontanisme: mouvement qui prônait la centralisation des pouvoir spirituels et temporels dans les mains du pape.
Ce courant triompha avec le Concile de Vatican I en 1870.

4 Gallicanisme: affirmation que le pouvoir temporel est indépendant de la juridiction du pape.

5 Henry Edward Manning (1808-1892) archevêque de Westminster à partir de 1865.

6 Louis Pie, 1815-1880, évêque de Poitiers ultramontain devint cardinal en 1879.

7 Charles Loyson dit le Père Hyacinthe (1827-19 12).

8 Félix Dupanloup, 1802-1878, évêque d’Orléans

9 . Joseph Juste Scaliger, humaniste, 1540-1609.

10. Saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone (l’actuelle Bône en Algérie) de 396 à sa mort, le plus célèbre des Pères de l’église latine.

11. 402.

12. Voir aussi les canons 11 du XIe Concile de Carthage, 17 et 28 du XVIe Concile de Carthage. Un certain Apiarius excommunié en Afrique en avait appelé au pape qui par son légat Faustin exigeait qu’il soit réadmis. Les pères d’Afrique avaient refusé en déniant tout autorité à Rome pour s’ingérer dans cette affaire.

13. Célestin 1er 422-432.

14. Georges Darboy (1813-1871), archevêque de Paris, opposé à l’infaillibilité pontificale au Concile de Vatican I, otage
de la Commune, il en fut l’une des plus illustres victimes.

15. en 343. Serdica, en latin Sardica, l’actuelle Sofia.

16. le passage de Matthieu 16:18 emploie deux mots grecs différents souvent traduits, à tort, par le seul mot «pierre». Il est écrit: «Je te dis que tu es Pierre (petros); et sur ce roc (petra) je bâtirai mon église». Le mot «petros» désigne une pierre que l’on peut soulever ou lancer à la main (cf. 2 Macc. 1:16 et 4:4 1), le mot «petra» désigne un roc, un rocher (cf. Matt. 7:24 & 25, Malt. 27:51 &60, etc.). Le père jésuite F.Zorell le reconnaît dans son «Lexicon Grœcum Novi Testamenti», où nous trouvons: «Petra: rupes, petra, saxum et quidem, in oppositione ad «petros» quod significat saxum a monte vel solo solutum, lapidem magnum, sed tantum ut adhuc levari manuque proj ici possit)», c’est à dire: «Petra: rocher, roc, roche et ceci en opposition à «petros» qui signifie rocher arraché à une montagne ou au sol, grosse pierre mais qui peut être néanmoinS soulevée et lancée à la main».

17. (IV originairement)

18. Bartolomeo Sacchi dit il Platina (142l-148l)~ humaniste devint bibliothécaire du Vatican en 1478, il publia une histoire des papes en 1479.

19. Cesare Baronius ou BarofliO (1538-16O7) Cardinal et historien. Disciple de Saint Philippe Néri, confesseur du pape Clément VIII, protoflotaire apostolique cardinal (1596) et bibliothécaire de la Vaticane (1597).

20. Baronius a appelé la période qui va des règnes de Serge III à celle de Jean XI: la «pornocratie».

21. Marozia (892-93 7) fille de Théophylacte et de Théodora (qui mit sur le trône pontifical Serge III) épouse en 905 Albéric 1er marquis de Spolète, devint la maîtresse de Serge III dont elle eut un fils qu’elle fit plus tard élire pape sous le nom de Jean XI. Elle épousa par la suite Gui de Toscane puis Hugues de Provence; Elle fit et défit les papes pendant des années faisant emprisonner et assassiner Jean X, et probablement aussi Léon VI et Etienne VII.

22. Jean XII (955-964) petit-fils de Marozia et fils d’Albéric II de Spolète. Connu pour ses débauches il mourut des suites de la correction que lui infligea un mari qui l’avait trouvé dans le lit de sa femme.

23. Jean XXII régna de 1316 à 1334. Célèbre pour avoir fait faire par l’Inquisition un procès contre Maître Eckart. Il mourut alors qu’un procès pour hérésie lui était intenté.

24. Jean XXIII régna de 1410 à 1415 date à laquelle il fut déposé par le Concile de Constance et remplacé par Martin V qui le nomma cardinal-évêque de Tusculum. Sa tombe, dans le baptistère de Florence, porte l’insigne papal. Aujourd’hui, dans l’église romaine, il n’est plus compté dans la liste officielle des papes.

25. Bellarmin, en italien Roberto Bellarmino (1542-1621) Théologien célèbre entre autre pour ses écrits et aussi pour sa condamnation de Galilée, il fut canonisé en 1930 et mis au rang des docteurs de l’église romaine.

26. Ignace de Loyola (1491-1556) fondateur de l’ordre des Jésuites, canonisé en 1622.

Source : http://bible.free.fr/histoire/strossma.pdf