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27/07/2009

On croît rêver...???

Sous la plume du père Sale, dans la revue des Jésuites de Rome "La Civiltà Cattolica" qui, soulignons-le, n'est publiée qu'après contrôle et approbation des services du Vatican, on peut lire ceci à propos de l'éventuelle évolution du monde musulman vers la démocratie :

"L’Islam et la démocratie peuvent devenir compatibles à condition que l’élément religieux, avec toute sa richesse de contenus et d’expériences, serve de simple point de référence éthique et moral à l'action de l'interprète de la science sociale, sans prétendre dicter des normes à l’Etat et à la politique".

Source : http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1339523?fr=y

On croit rêver car c'est précisément ce que prétendent imposer le pape et la hiérarchie catholique au monde occidental et que nous avons soulignés dans notre note consacrée à l'encyclique "Caritas in Veritate" (Benoît XVI - Un Illuminati au Vatican???***). Ne pas être un simple point de référence éthique et morale, dicter des normes à l'état et à la politique devant être référés au magistère ecclésial et à la loi divine selon l'église romaine.

D'un côté pour s'attacher la sympathie du monde musulman - croyants de tous pays unissez-vous sous ma bannière - on prône sans dire le mot la laïcité de l'état - alors qu'on la fait combattre violemment par tous les thuriféraires papolâtres que compte l'occident.

Si elle venait à se produire l'alliance de la crosse et de la queue de cheval pourrait bien mettre à mal nos liberté et la LIBERTE. 

*** http://lodgamour.blogspirit.com/archive/2009/07/24/benoit... 

24/07/2009

Benoît XVI - Un Illuminati au Vatican???

Le pape Benoît XVI vient de publier sa nouvelle encyclique "Caritas in Veritate" censée renouveler la Doctrine Sociale de l'église romaine.

Bien que ce texte ne fasse pas explicitement référence à la Franc-Maçonnerie nous avons pris la décision d'en faire un bref commentaire car son application nous paraît relever d'une volonté de théocratisation du monde contraire à la LIBERTE, aux libertés, notamment celle de penser "un monde sans dieu(x)" (à tout le moins un monde où la croyance en un dieu révélé ou non est cantonnée à la seule sphère privée).

Nous passerons donc sur le long procès qui est fait au monde actuel. Procès qui oublie que depuis au moins deux mille ans les peuples entiers qui constituent l'immense majorité de la population mondiale vivent sans dieu, à tous le moins sans celui que voudraient imposer le pape et ceux qui furent ses prédécesseurs, sans que ces peuples soient ni débauchés, ni licencieux, ni cupides.... plus que ne le sont les peuples christianisés, le plus souvent par la force des "armées très chrétiennes" (croisades, conversions forcées en Afrique, Amérindie..., voire Europe).

Au delà donc du constat de l'état du monde, au delà des habituelles condamnations de tout ce qui est supposé contrevenir à la "loi naturelle" d'ordre divin selon l'église romaine, au delà de l'incantatoire rappel à l'utopique ordre chrétien... nous ne nous arrêterons que sur le point suivant de l'encyclique par lequel on découvre que le pape propose rien moins que la création d'un gouvernement mondial dont il serait (lui ou un de ses successeurs) le chef spirituel :

Chapître V - Paragraphe 67 : Face au développement irrésistible de l’interdépendance mondiale, et alors que nous sommes en présence d’une récession également mondiale, l’urgence de la réforme de l’Organisation des Nations Unies comme celle de l’architecture économique et financière internationale. [...] il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII. Une telle Autorité devra être réglée par le droit, se conformer de manière cohérente aux principes de subsidiarité et de solidarité, être ordonnée à la réalisation du bien commun, s’engager pour la promotion d’un authentique développement humain intégral qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité. Cette Autorité devra en outre être reconnue par tous, jouir d’un pouvoir effectif pour assurer à chacun la sécurité, le respect de la justice et des droits. Elle devra évidemment posséder la faculté de faire respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux.

Il s'agit bien là d'un gouvernement mondial avec les prémices de l'ordre qui le sous-tend qui ne peut être que tyranique et/ou despotique (au sens grec ancien) quand bien même il serait "éclairé".

Et d'ailleurs les cléricaux à col dur ne s'en cachent pas puisqu'on peut trouver sur plusieurs de leurs commentaires des phrases du genre : ".".../... en fait les critères que pose BXVI pour établir cette autorité internationale sont tels qu'ils disqualifient à l'avance toutes les autorités qui prétendraient s'investir d'un tel rôle...puisqu'il leur faudrait tout simplement se reconnaître chrétienne et par là-même soumise au magistère infaillible de l'Eglise....../...". CQFD.

Imaginons donc que le "machin" existe à la fois en tant que gouvernement et mode de gouvernance "qui soit reconnu par tous", qui soit doté de "la faculté de faire respecter ses décisions, pour assurer le respect de la justice et des droits, pour garantir la sécurité, pour promouvoir un authentique développement humain (inspiré des valeurs de l'amour et de la vérité)... ce qui implique police, armée, tribunaux, administration(s) donc financements, codes et lois, réglements.... bref tous les attributs du pouvoir... Alors qui paye, qui dit le droit, qui contrôle les adminsitrations et services, qui commande les armées, la police, qui contrôle le juridique et le judiciaire, qui défini les valeurs de vérité et de justice, quelle part avons nous dans cette usine à gaz, qui sont nos représentants, comment sont-ils désignés, quel poids ont-ils face à l'argent, au(x) marché(s), aux états..... que deviennent nos états??????? La France et le Vatican même poids dans les décisions????

Qu'on ne nous parle pas ici du principe de "subsidiarité" mis en avant par le pape. Nous savons tous très bien que tout pouvoir établi tend à absorber toutes les prérogatives des pouvoirs existants et à n'en tolérer aucun autre que lui. L'empire romain et l'église dite catholique qui lui a succédé nous en ont donné l'exemple s'il était nécessaire d'apporter la preuve d'une telle affirmation.

En fait si l'on veut bien y réfléchir il s'agit là d'une présentation soft des fameux Protocoles (de Sion et de Toronto) qui ont tant alimenté le phantasme catholique du complot judaïco-maçonnique et d'une alliance objective avec ce que prônent aujourd'hui encore certains états, mouvements, religieux extrémistes. Il s'agit très précisément du programme élaboré par les fameux "Illuminati"*** (http://fr.wikipedia.org/wiki/Illuminati) et autres tenants du Nouvel Ordre Mondial (NOM) qui vise la destruction de toutes les structures étatiques traditionnelles, celle des systèmes philosophiques et religieux authentiques, de la cellule familiale... au profit d'une société matérialiste dominée par le roi Argent servi par des peuples abêtis par une presse, une culture, des moyens technique aux ordres. Programme que dénoncent avec force tous les sites cathos et extrémistes en en faisant une machine de guerre d'inspiration maçonnique ce qui est un comble quand on lit attentivement le texte papal.

De là notre question initiale en forme de renvoi des boulets rouges que tout ce que la cléricalité patentée à toques, turbans et calottes envoie à pleins canons à la face de la Franc-Maçonnerie : Benoît XVI - Un Illuminati au Vatican?

Merci à notre frère Emanuel de sa contribution.

Emmanuel

 

12/01/2008

Y a des coups de pieds qui se perdent

Laîcité : Un combat permanent

 Un correspondant nous adresse cette note que nous publions bien volontiers :

 ".../... La culture laïque est une fraude : elle ne conduit qu'au désespoir, à travers l'avortement ou le divorce express.../..."

Cardinal Augustin Garcia-Gasco, archevêque de Valence devant des centaines de milliers de manifestants défenseurs de la famille chrétienne.

Source Le Point citant El Paîs du 30/12/2007

Et c'est un catho bon teint qui vous le dit "Y a vraiment des coups de pieds qui se perdent". De plus c'est en contradition avec les déclarations précédentes de JPII sur la laîcité

Noël

24/04/2006

Un train peut en cacher un autre

 DOCTRINE SOCIALE DE L'EGLISE : UN EXEMPLE DE CLERICALISME (en gras dans le texte et selon nous les marques évidentes du cléricalisme catholique qui vise à imposer à la société civile sa vision particulière) 

Dieu, l’Europe et les politiques, René Andrau, éditions Bruno Leprince, 2002

La Doctrine Sociale de l’Eglise catholique fait l’objet d’une confusion souvent entretenue par ceux qui s’en réclament et qui n’en retiennent que ce qui les arrange. Contrairement à une idée reçue, cette doctrine n’est pas une technique permettant de résoudre les problèmes sociaux, ce que Léon XIII appelait la « question ouvrière ». Car l’adjectif social de l’expression doctrine sociale signifie relative à l’organisation de l’ensemble de la société, la question sociale proprement dite n’y jouant qu’un rôle secondaire. Ce caractère global de la doctrine est souligné par tous les Papes, en particulier dans les nombreuses Encycliques commémorant un anniversaire de Rerum novarum, la dernière en date étant Centissimus annus de Jean-Paul II de 1991, l’Encyclique du centenaire. Ce qui fait qu’on ne peut dissocier clairement le politique et le social d’avec le religieux qui les surplombe.

Qu’y avait-il avant Léon XIII, que l’on présente comme le grand réformateur de l’Eglise ? Il y avait le refus catégorique de poser la question sociale, comme d’ailleurs la question politique. Certes il se trouvait des catholiques qui pensaient que du message évangélique découlait la nécessité de prendre en compte le sort des misérables : le journal de Lamennais, L’avenir, qui militait dans ce sens a été nettement désavoué par le Pape Grégoire XVI qui a rédigé une Encyclique spécialement dans ce but, Mirari vos, en 1832. C’est dans ce contexte historique qu’il faut replacer Rerum Novarum qui est de 1891, alors que le Manifeste de Marx et Engels est de 1848 : l’église finit par reconnaître qu’il existe une question ouvrière liée à la révolution industrielle lorsqu’elle ne peut faire autrement sous peine de sortir de l’histoire, et surtout lorsqu’elle voit grandir la menace socialiste que Léon XIII dénonce avec force.

Car la Doctrine Sociale de l’Eglise reste ancrée à la formule « hors de l’Eglise point de salut ». Dès le 21 novembre 1893 Jaurès dénonce à l’Assemblée, en réponse à la déclaration du cabinet Dupuy, le caractère rétrograde de la doctrine sociale de l’Eglise : « Le socialisme sortait de la République ; vous ne pouvez détruire la République, mais vous y introduisez ses ennemis d’hier en gouvernants et en maîtres, pour en chasser plus, sûrement les militants qui l’ont faite et qui ont versé leur sang pour elle. Vous ne pouvez pas détruire ouvertement, officiellement votre œuvre de laïcité, mais vous mettez votre République sous le patronage de la papauté... Oui, c’est la politique de Léon XIII qui vous dirige ».

Jean XXIII comme Jean-Paul II reprennent en chœur cette idée qui souligne le caractère dogmatique de la doctrine : l’Eglise catholique est la seule habilitée à interpréter les Ecritures et à dire quel est l’ordre naturel, voulu par Dieu, auquel doivent se conformer l’homme et la société. Car cet ordre, qui découle de la Révélation, est hors d’atteinte de la raison, à moins qu’elle ne reçoive la lumière de la foi, auquel cas la raison est dite « correcte » (recta ratio). Dans l’Encyclique Aeterni Patris de 1879, Léon XIII précise que « la foi délivre de l’erreur la raison », ce que ne cessera de répéter Jean-Paul II qui, comme le Syllabus, refuse la souveraineté populaire qui exprime « la volonté arbitraire des hommes » (Laborem exercens, 1981). Ratzinger, devenu Benoît XVI, va encore plus loin dans sa récente encyclique en considérant que la foi « délivre la raison de ses aveuglements ». Cet ordre naturel que l’Eglise décode, c’est une société hiérarchisé en classes sociales : remettre en cause cet ordre au nom de la lutte des classes est donc une atteinte à la volonté divine car, disait Pie XI, « les travailleurs doivent rester à la place que la Providence leur a assignée ». C’est pourquoi les Papes condamnent unanimement le socialisme comme « intrinsèquement pervers », selon l’expression de Pie XI dans Divini Redemptoris du 19 mars 1937.

Mais dans le même temps Pie XI, pas plus que ses successeurs, n’a été gêné par les fascismes et leur conception corporatiste concernant l’organisation des travailleurs. Dans l’Encyclique Non abbiamo bisogno de 1931, même s’il trouve que le fascisme italien ne fait pas assez de place à l’Eglise catholique, il proteste de sa loyauté au régime et au parti et de la fidélité des catholiques à leur égard. Dans l’encyclique Mit brennender Sorge du 14 mars 1937, il proteste également contre la place insuffisante que le régime nazi accorde à l’Eglise catholique, mais il approuve le « projet ethnique » de la nation allemande : aucune allusion aux autres problèmes que pose l’Allemagne nazie. A cette complaisance répond une condamnation sans réserve de la République espagnole, et le Pape n’a pas un mot pour dénoncer les massacres de prolétaires par les troupes franquistes qui indignent le pourtant très catholique Bernanos dans Les grands cimetières sous la lune. Et le même Pape ne cessait de dire son inquiétude devant la politique française de Front Populaire qui ne correspondait pas à l’ordre naturel. S’il n’a pas produit de texte de condamnation, ses dévoués serviteurs s’en sont chargés : c’est ainsi que le très catholique député Robert Schuman, père putatif de l’union européenne, s’est opposé au Front Populaire, avant de voter les pleins pouvoirs au Maréchal.

A ces faits historiques, la bien-pensance du jour oppose le fait que les choses auraient bien changé depuis Vatican II, et que tout ça, les repentances à répétition aidant, appartient désormais au passé. C’est faux, archi-faux.

La Doctrine Sociale de l’Eglise est toujours aussi dogmatique. Voici ce que déclarait Jean XXIII, réputé être le premier Pape moderne, dans Mater et magistra de 1961 : « Dès que la hiérarchie ecclésiastique s’est prononcée sur un sujet, les catholiques sont tenus à se conformer à ses directives puisque appartiennent à l’Eglise le droit et le devoir non seulement de défendre les principes d’ordre moral et religieux, mais aussi d’intervenir d’autorité dans l’ordre temporel lorsqu’il s’agit de juger de l’application de ces principes à des cas concrets ».

C’est au nom d’une telle conception que Benoît XVI, alors cardinal Ratzinger, a mené avec Jean-Paul II un combat acharné contre la théologie de la libération. On connaît bien aujourd’hui les arrière-plans de ce combat, présenté à l’époque comme une controverse de théologiens. On sait aujourd’hui que Ronald Reagan et Jean-Paul II ont mené ensemble le combat contre les luttes sociales en Amérique latine et contre le communisme en Pologne, combats dont le résultat est la victoire de la forme de capitalisme qui domine le monde actuel.

Pour ce qui est du premier point, le programme politique et social de Ronald Reagan, élu en en 1980, s’exprime dans un document qu’on appelle le document de Santa Fe (de 1980 également). Dans ce document, la théologie de la libération est désignée nommément comme un ennemi politique. C’est que les tenants de cette théologie, confrontés à des dictatures militaires, pensent qu’il est conforme au message évangélique et à la figure de Jésus de prendre le parti des opprimés en s’engageant concrètement dans l’action contre la dictature et l’oppression économique : il n’en faut pas plus pour que les conservateurs américains considèrent cette théologie comme tête de pont du communisme en Amérique latine. Dans le même temps deux documents de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, signés Ratzinger, condamnent cette théologie comme incompatible avec la Doctrine de l’Eglise. Il lui reproche en effet de s’inspirer de la lutte des classes, concept intrinsèquement pervers, et rappelle que l’Eglise interdit tout changement par la violence comme contraire à l’ordre naturel voulu par Dieu : car la vraie libération, précise-t-il, n’est pas d’ordre terrestre, mais surnaturel. Il s’indigne que des tenants de ce courant refusent de communier aux côtés des bourreaux, car chaque personne humaine est créé par Dieu à son image et ainsi dépositaire de la même dignité. Les actes venant à l’appui du discours, de nombreux théologiens et responsables catholiques sont sanctionnés et progressivement remplacés par des conservateurs complaisants pour les dictateurs. Vingt ans après, Ratzinger devenu Benoît XVI persiste et signe en condamnant explicitement « les idéologies de l’amélioration du monde », expression que les admirateurs de son Encyclique ont oublié de commenter, à droite comme à gauche.

Dans cette affaire, Jean-Paul II a agi comme un allié de Reagan, et dans le sens des intérêts américains et du néolibéralisme qui les favorise. C’est la même alliance qui se noue au moment des grèves de Solidarnosc en Pologne. On sait aujourd’hui comment ces grèves ont été financées : capitaux américains transitant par une antenne offshore située à Nassau de la banque Ambrogianno, aboutissant en Pologne via le Vatican sous la bénédiction de Mgr Marcinkus avec le concours de la mafia. Quoi que l’on pense de Jaruzelski et de son gouvernement, les faits sont là et l’alliance Reagan-Jean-Paul II indubitable. Certains admirateurs sincères de Solidarnosc ont été surpris de voir Lech Walesa se muer en homme politique de droite s’appuyant sur l’Eglise la plus réactionnaire d’Europe : le scénario était pourtant écrit dès le début. Beaucoup l’ignoraient, certains le savaient.

Jean-Paul II s’est ainsi révélé un agent sûr et efficace de la progression du néolibéralisme. Pourtant, soulignent les défenseurs de la Doctrine Sociale de l’Eglise, il a fermement condamné les excès du capitalisme. Alors ?

Capitalisme, fond et forme

Alors, la réponse est incluse dans la question. Si le socialisme est intrinsèquement pervers, le capitalisme n’est pervers que dans ses excès : il suffit donc de corriger ses excès pour qu’il devienne tout à fait acceptable. On se contentera de lui ajouter une dose d’éthique pour que se réalise l’ordre naturel voulu par Dieu et que s’éloigne le spectre de la lutte des classes. C’est ce que confirmait en 2003 le cardinal Sodano, [le même qui, lorsqu’il était Nonce au Chili sous Pinochet, avait déclaré à propos du régime : « Même les chef d’œuvre peuvent avoir des taches ; je vous invite à ne pas vous arrêter aux taches du tableau, mais à regarder l’ensemble, qui est merveilleux »], lorsque, promu Secrétaire d’Etat de sa Sainteté, il écrivait à Michel Camdessus : « Dans l’économie, il est nécessaire de mettre en permanence un supplément d’humanité ». Car le capitalisme éthique permettrait de respecter la dignité de chaque personne humaine, du détenteur de capitaux comme du travailleur, remède à l’exploitation du travailleur dont Jean-Paul II nous avertit, dans Veritatis splendor de 1993, qu’elle est une infamie. Mais à cette exploitation qu’elle juge infâme l’Eglise n’oppose guère que des considérations morales. Certes, le message est plus sophistiqué que celui de Léon XIII qui promettait aux riches un châtiment dans l’autre monde s’ils manquaient au devoir de charité, mais il est du même ordre. La solution ne saurait être la régulation étatique, jugée dangereuse (Jean-Paul II condamne nettement ce qu’il appelle l’Etat de l’assistance). Elle viendra des corps intermédiaires (Pie XI a déjà fait l’éloge du corporatisme mussolinien) et du comportement chrétien des intéressés. C’est ce qu’affirmait Jean XXIII pour qui « la vie en société doit être considérée avant tout comme une réalité d’ordre spirituel » : sous ses airs de généralité philosophico-théologique, cette affirmation a une portée politique et sociale évidente ; Jean-Paul II va plus loin en déclarant dans Centesimus annus que « dans la société occidentale l’exploitation a été surmontée, du moins sous la forme analysée et décrite par Karl Marx », et il fait dans Laborem exercens l’éloge du corporatisme sans prononcer le mot lorsqu’il précise que « chaque genre de travail, chaque profession a une spécificité propre qui devrait se refléter de manière particulière dans ces organisations », tout en rappelant la nécessaire union entre le capital et le travail. Le problème est donc résolu sans qu’on ait besoin de le poser.

La société civile

Pour faire passer ce message dans la société, l’Eglise recourt à des experts qualifiés, plus ou moins proches de l’Opus Dei : Michel Camdessus, ancien directeur du FMI, et animateur des Semaines Sociales de France, en est le meilleur exemple puisqu’il est membre du conseil Pontifical Justice et paix. Que dans l’exercice de ses fonctions de directeur du FMI Camdessus ait réduit à la famine des millions de paysans du Tiers-Monde importe peu : le discours moralisateur masque la dure réalité - et même, plus la réalité est dure, plus l’exhortation morale se fait grandiloquente. D’ailleurs pour Michel Camdessus, qui a bien appris la leçon de l’évangile selon laquelle le Royaume est à la fois à venir et déjà là, le capitalisme éthique est au futur, mais il est aussi déjà là. Voici ce qu’il déclarait en conclusion des Semaines Sociales de France de 2003 : « Les chefs d’entreprise responsables n’abdiquent pas devant leur direction financière...Le souci de l’harmonie très fragile de la communauté humaine qu’ils forment avec les salariés, les clients, les actionnaires et tout leur environnement passe avant la maximisation immédiate du profit ». C’est une belle image de piété, mais que la réalité ne confirme pas. Notre expert en libéralisme ajoute tout de suite après : « Il n’y a pas d’acquis qui puisse être sanctuarisé...car une société de fraternité ne se construit pas sur le seul sacrifice de surplus des riches ». Jean-Baptiste de Foucauld, autre fidèle des Semaines Sociales, précisait de son côté en 2000 qu’ « un équilibre doit être trouvé entre l’inconditionnalité et la conditionnalité des aides », et ce par le moyen d’un « renouvellement du contrat social et de la négociation sociale ». La remise en cause des droits sociaux est explicite ; c’est le concept même de droits sociaux qui se trouve remis en question, et le droit du travail avec.

Un riche = un pauvre : c’est ce que disait Jean-Paul II dans la lettre apostolique Novo millenio ineunte de janvier 2001 : il faut « gérer avec décision les processus de la mondialisation économique en fonction de la solidarité et du respect dû à chaque « personne humaine » », formule habituelle du refus du concept de classes sociales. D’autres animateurs des très catholiques Semaines Sociales ont tracé les contours du même type de projet. En janvier 2001, Jean Boissonnat, traçant l’ébauche d’un statut du travailleur, définissait les droits et les devoirs des travailleurs en s’inspirant du workfare qui finirait peut-être, je cite, par effacer le concept même du chômage pour lui substituer celui de travailleur en transition ou de travailleur en restructuration : voilà donc résolu le problème du chômage par la grâce de la DSE et de la méthode Tony Blair, qui ne manque pas d’admirateurs et d’admiratrices en France ! C’est que, selon un rapport à la Comece sur la gouvernance, « la justice sociale est, pour l’essentiel, la participation à la société ». L’essentiel est donc que les travailleurs participent, même s’ils sont au-dessous du seuil de pauvreté.

J’ai décrit, en partant du haut, les deux premiers étages de la construction : la première est le décodage de la volonté divine et de son ordre naturel ; la deuxième le mariage de celle-ci avec les théories néolibérales. Reste le troisième : la mise en pratique sur le terrain du capitalisme éthique.

Les fonds de placement éthique, d’inspiration religieuse à l’origine, sont en progression réelle de puis quelques années. Présentés comme l’outil moderne de régulation du capitalisme, sont-ils autre chose qu’un simple alibi destiné à faire passer la pilule ? Pas de suspense. Déjà on peut distinguer les fonds de partage des fonds éthiques : les premiers impliquent qu’une partie des bénéfices est reversée à des associations : ces fonds battent de l’aile, alors que les fonds dits « éthiques » progressent.

Car les promoteurs de ces derniers nous disent bien que ces fonds doivent avant tout être rentables. C’est ce qu’affirme une figure emblématique de ces fonds, Sœur Nicole Reille, à qui le Vatican a décerné le prix « Femme d’Eglise et Finances ». Elle énumère les critères de sélection de ces fonds, et si, après la rentabilité, elle insiste sur la politique sociale de l’entreprise concernée, elle exige que l’entreprise dispose de « plans sociaux », mais n’a aucune exigence en matière de salaire.

Pour donner de la cohérence au système sont apparues des agences de notation qui fournissent aux entreprises une justification morale. La plus connue est Vigeo, dirigée par Nicole Notat, qui compte parmi ses actionnaires Total, connu pour son respect des droits de l’homme et son sens de l’environnement, le Crédit Lyonnais, dont nous avons apprécié la gestion, le groupe Accor qui méprise son personnel comme l’a montré l’affaire d’Arcade. Pour cautionner tous ces braves gens, une centrale syndicale parmi les actionnaires, celle de Nicole Notat évidemment, qui fut le soutien sans faille du plan Juppé de 1995.

Il existe même un traker éthique, c’est-à-dire un fond qui n’a d’éthique que l’étiquette puisqu’il s’aligne simplement sur des indices boursiers qui n’ont pas cette prétention. Le capitalisme actionnarial ne change pas de nature en devenant capitalisme confessionnal !

Cette fusée de 3 étages a des allures de subsidiarité, mais on s’aperçoit que l’Eglise n’entend pas la même chose lorsqu’il s’agit de ses rapports avec l’Etat et lorsqu’il s’agit de ses rapports avec les organisations qui lui sont subsidiaires. Suivant la formule de Pie XI, elle exige que l’Etat n’intervienne pas dans les niveaux inférieurs, c’est-à-dire qu’il laisse le champ libre à l’Eglise et à ses associations. Par contre lorsqu’il s’agit d’associations qui se réclament de ses valeurs, l’Eglise leur interdit toute autonomie, comme au temps de l’Encyclique qui condamnait le Sillon de Marc Sangnier. C’est ainsi que Jean-Paul II déclarait dans Novo millennio ineunte, parlant de la mise en œuvre pratique de la DSE : « Ce sont surtout les laïcs qui seront présents dans ces tâches, sans jamais céder à la tentation de réduire les communautés chrétiennes à des services sociaux. En particulier, les relations avec la société civile devront être réalisées selon les enseignements proposés par la doctrine sociale de l’Eglise ».

Comment ne pas voir la parenté entre la Doctrine Sociale de l’Eglise et la philosophie de l’Union Européenne, qui met hors d’atteinte de la souveraineté populaire tout ce qui concerne l’économie ? C’est le même type d’argumentation. René Char disait dans ses poèmes de Résistance qu’il voyait se dérouler en France l’éternel combat entre Révolution et Contre-révolution. La pensée républicaine affirme la liberté de l’homme et du travailleur et en lui reconnaissant le droit de faire sa propre histoire ; la Doctrine Sociale de l’Eglise fait de l’homme et du travailleur un exécutant de consignes qui le dépassent définitivement, ce que Jean-Paul II énonce clairement dans Centissimus annus : « la doctrine sociale a par elle-même la valeur d’un instrument d’évangélisation : en tant que telle, à tout homme elle annonce Dieu et le mystère du salut dans le Christ et, pour la même raison, elle révèle l’homme à lui-même. Sous cet éclairage, et seulement sous cet éclairage, elle s’occupe du reste : les droits humains de chacun et en particulier du « prolétariat »... »

Considérer comme subordonnés les « droits humains de chacun » revient à les considérer comme secondaires par rapport à l’appartenance communautaire. Pourtant le combat contre la dictature de l’argent et de ses serviteurs, visibles ou moins visibles, reste bien le premier combat à mener.

par René Andrau, auteur de Dieu, l’Europe et les politiques, éditions Bruno Leprince, 2002

Article publié sur communautarisme.net

17/04/2006

Laïcité - Un combat permanent

L'expérience de la laïcité faite depuis 100 ans par les religions et les églises, notamment chrétiennes, et la somme de réflexions qu'elle a provoquée amènent à souligner ce qui, selon elles (les églises), est "leur profond accord sur une vision commune de la laïcité". Cet accord intervient enfin après de durs affrontements consécutifs à la mise en oeuvre de la Loi de 1905. Loi majeure qui pose le principe de laïcité et instaure un régime strict de séparation entre l'Etat et les religions représentées par les églises, groupements religieux et cultes. Loi "traumatisante" vécue "douloureusement" et par l'église et par les catholiques, selon l'expression même du pape Jean-Paul II, dans sa Lettre aux Evêques de France datée du 11 février 2005.

Notre propos n'est pas ici de rallumer la guerre religieuse que sont prêts à relancer à tous instants les boutes-feux de l'intégrisme d'un côté et de la laïcardité de l'autre. Notre but est de montrer que, malgré des propos de l'église catholique se voulant rassurants, le combat de la laïcité reste à gagner. S'il est à peu près admis par la grande majorité des chrétiens de France (catholiques, orthodoxes et protestants) que la laïcité est une très bonne chose, il reste qu'une frange assez importante de ces croyants, alliée, quelques fois dans des alliances contre nature, à d'autres formes de croyance et à toutes les formes de cléricalisme religieux et politique, n'attend que le moment d'enfoncer un coin dans ce fondement républicain qu'est la laïcité à la française.

Le combat de la laïcité a débuté bien avant 1905 puisque déjà en 1516 un premier Concordat fut signé à Bologne entre François Ier roi de France et le pape Léon X. Pour suivre cette histoire passonnante jusque dans ses prolongements modernes : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/eglise-etat/ch.... Sur le même site on trouvera également l'intégrale du texte de loi dont les deux premiers articles posent le principe moderne de laïcité :

ARTICLE PREMIER. - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

ART. 2.- La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3. Pour lire la version intégrale du texte de loi : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/eglise-etat/so...

Selon les paroles même du pape Jean-Paul II cette loi ".../... réglait la façon de vivre en France le principe de laïcité et, dans ce cadre, elle ne maintenait que la liberté de culte, reléguant du même coup le fait religieux dans la sphère du privé et ne reconnaissant pas à la vie religieuse et à l’Institution ecclésiale une place au sein de la société.../..."

Cependant, le pape lui-même apportait, dans sa lettre aux Evêques de France précédemment citée, un adoucissement à ses propos en ajoutant "on sait gré au Gouvernement français lui-même d’avoir (dès 1920) reconnu d’une certaine manière la place du fait religieux dans la vie sociale, la démarche religieuse personnelle et sociale, et la constitution hiérarchique de l’Église, qui est constitutive de son unité".

On comprend mieux ce positionnement du prélat romain lorsqu'on rapproche ses paroles du Code de Droit Canon de l'église romaine en vigueur à l'époque de la promulgation de la loi de 1905 : ".../... Can. 100 - l'Église catholique et le Siège apostolique ont qualité de personnes morales par l’effet de l’ordonnance divine; les autres personnes morales inférieures ont cette qualité dans Église soit par l’effet d’une prescription du droit, soit par une concession donnée par décret formel du supérieur ecclésiastique compétent, dans un but de religion ou de charité.../...". Il est à noter que le nouveau Code de Droit Canon de 1983 rend plus stricte encore cette définition par une très légère modification de forme : ".../... Can. 113 – § 1. L’Église catholique et le Siège Apostolique ont qualité de personnes morales de par l’ordre divin lui-même.../...".

Comment en effet, et ce d'autant que le Concordat de 1801, passé entre le Gouvernement Français et le pape Pie VII, établissait l'église catholique comme la quasi église officielle de la France, s'affirmer être "de par l’ordre divin lui-même" et, en même temps, accepter d'être soumis au droit des sociétés, inférieur par nature à l'ordre divin, voulu, du moins en France démocratique, par les hommes et les femmes qui les composent?

C'est ainsi qu'on va voir, le 8 décembre 2003, au moment de "l'affaire du voile", les trois présidents du Conseil des Églises chrétiennes en France s’adresser au Président de la République, sous couvert d'intégration, pour lui rappeler l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et l’article 19 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 : ".../... Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de fonction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques ou l’accomplissement des rites. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut pas faire l’objet d’aucunes restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques ou à la protection des droits et libertés d’autrui.../...". Qu'il faut bien entendre ici comme une demande du retour du religieux, mais surtout du cléricalisme, dans la vie publique.

Comment définir le cléricalisme? Nous l'avons déjà tenté dans une note précédente par laquelle nous avons montré que le cléricalisme est (selon le Quillet Flammarion) ".../... une doctrine qui tend à donner au clergé un rôle exagéré dans les les affaires temporelles .../...". Nous avons montré que le cléricalisme est une problématique propre à toutes les hiérarchies religieuses ou civiles, qu'elles soient centralisées comme dans l'église romaine ou décentralisées comme dans les églises orthodoxes, les centres religieux islamistes ou autres. La problématique des obédiences maçonniques et de leurs structures technico-administratives fait que les loges et les membres risquent eux aussi de subir une forme de cléricalisme maçonnique. En fait, le cléricalisme n'est rien d'autre que la prétention des technostructures à dire plus de droit, de juste, de bon... que n'en produit la communauté religieuse ou civile de base, à s'ériger en juges et en directrices des consciences, tant au plan collectif qu'à celui de l'individu. A ce titre, les sociétés civiles, dans leurs expressions politiques manifestées par les partis, peuvent aussi connaître des formes de cléricalisme laïc. Il en est ainsi du "laïcisme", qui est juste répartition des rôles dévolus au civil et au religieux, qui peut rapidement dériver en laïcardité sous l'effet des pressions exercées par des groupes radicaux. Entre le "rien n'est laïc" des religieux extrêmes et le "rien n'est religieux" des laïcards, la voie de la laïcité est étroite qui reste toujours un chemin de crêtes a réouvrir chaque jour pour que la paix, civile et religieuse, règne parmi les hommes. A ce titre la laïcité est le combat commun des hommes et des femmes de bonne volonté, avec leurs convictions propres, religieuses ou non, politiques ou non, sans le besoin permanent de les agiter tels les étendards des victoires passées et à venir.  

A suivre